Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120 LE PRIMTEMS DU SIEUR D AUBIGNE,
- La Fortune autre que marastre,
- J’ay trop languy en mon malheur,
- Et ceste main trop peu hardie
- A trop nourry ma malladie
- Pour la pauvreté de mon cueur.
Autant que d’abeilles bourdonnent
- En Hybla, autant de flambeaux,
- De sons, de spectacles nouveaux
- Mon oreille & mon oeil estonnent,
- Autant de forces du destin,
- Autant d’horreurs apareillees,
- Et d’Erynnes dechevelees
- Accourent pour estre à ma fin.
Ceste plainte mal assurée
- Et les mal asseurez propos
- Me font ilz craindre mon repos
- Et l’heure & la fin desiree ?
- Ha ! chetif où as-tu les yeux ?
- Pourquoy tardes-tu la vengeance
- De toy contre toy qui t’offence,
- Aimant le pis,fuiant le mieux ?
Ma fin est promptement suivie
- D’une longue félicité.
- N’est-ce pas une lascheté
- D’aimer mieux une amere vie
- Pour crainte d’une douce mort,
- Et pour la faute de courage,
- Faire un perpétuel naufrage
- Plus tost que d’aborder le port ?
Arriere de moy, vaine crainte,
- Ne m’empesche plus mon repos,
- Laisse moy rendre ce propos :
- Ma vie & mon envie esteinte,
- Promptement il fault secourir