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192 LE PRIMTEMS DU SIEUR D’AUBIGNE.

Conservant jusqu’au fons des os
Sa moelle en son triste repos.
Le Soubçon, la Doute & la Crainte
En l’obscur la tiennent contrainte.
La vie & la vertu souvent
Luy deffendent l'air & le vent,
Et l’empeschent qu’elle ne sorte,
Mais la Mort luy ouvre la porte,
Renferme la Crainte au dedans
Et donne pour curee aux dens
Venimeuses & affamées
Des plus entieres renommees,
Des belles âmes, des bons cueurs.
Des beaux esprits & des valleurs
Dont la maigre Peste friande
Fait son poison & sa viande.
Aussi tost son cueur enragé
Crevé comme’ il en a mangé.
Son estommac qui n’a coutume
De dévorer que l'apostume,
Le froid venin & les fureurs,
Appelle poison les douceurs.
Quant, changeant ce qui l'a nourrie,
Elle oste la cause à sa vie,
Car la douceur luy est venin.
Du temps que le mortel divin
Immortel démon et terrestre
A peu par ses enfants paroistre.
Pour contre le vice tortu
Les équiper de sa vertu,
Tant qu’un mesdisant miserable
A veu le pere redoutable
Duquel l’esprit pareil au cueur
Estoit sur son siecle vaincueur :