Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/40

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XLII.

Auprés de ce beau teinct le lys en noir se change,
Le laict est bazané auprés de ce beau teinct,
Du cygne la blancheur auprés de vous s’esteinct,
Et celle du papier où est vostre louange.

Le succre est blanc, & lorsqu’en la bouche on le range
Le goust plaist, comme faict le lustre qui le peinct,
Plus blanc est l’arcenic, mais c’est un lustre feinct,
Car c’est mort, c’est poison à celuy qui le mange.

Vostre blanc en plaisir taint ma rouge douleur.
Soye douce du goust, comme belle en couleur,
Que mon espoir ne soit desmenty par l’espreuve,

Vostre blanc ne soit point d’aconite noircy,
Car ce sera ma mort, belle, si je vous trouve
Aussi blanche que neige & froide tout ainsi.


XLIII.

Il te doit souvenir Diane, en mon absence
Des marques que ta gorge, & ton bras, & ta main
Portent pour tesmoigner que le sort inhumain
A grand tort me priva du jour de ta presence,

Car Nature avoit mis fort peu de difference
En ce que nous avons d’apparent & d’humain,
En cinq marques encor que tu sçais, mais en vain
Eust elle de nous deux si chere souvenance ;

Mon bras gauche est marqué de mesme que le tien,
Ma main est differente à la tiene de rien,
Si que, hors la blancheur, quand elles sont ensemble

Nous les mescognoissons : nous avons, toy & moy,
Encor trois seings pareils : Mais quel malheur pourquoy
A mon vouloir bruslant ton vouloir ne ressemble !