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LXXXVIII.

Diane, en adorant tant de divinitez
Dont le rond monstre en toy la parfaicte figure,
Je recherche la cause au malheur que j’endure
Dessus ton naturel, & tes proprietez :

Tu es l’astre du froid & des humiditez
Et les eaux de la mer te suivent de nature,
De là sort ton desdain, ta glace, ta froidure,
Et les flotz de mes pleurs suivent tes volontez

Dont je fuis esbahi, qui fait que ceste flamme
Oui n’a autre vigueur que des feux de mon ame
N’a peu estre amortie au milieu de tant d’eaux :

Noye, gresle, Deesse, une braise mortelle,
Ou je blaphameray frenetiq’ de mes maux,
T’appellant en courroux trop foible, trop cruelle.


LXXXIX.

Diane, ta coustume est de tout deschirer,
Enflammer, desbriser, ruiner, mettre en pièces,
Entreprinses, desseins, esperances, finesses,
Changeant en desespoir ce qui fait esperer.

Tu vois fuir mon heur, mon ardeur empirer,
Tu m’asseure du lact, du miel de tes caresses,
Tu refondes les coups dont le cœur tu me blesses
Et n’as autre plaisir qu’à me faire endurer,

Tu fais brusler mes vers lorsque je t’idolastre,
Tu leur fais avoir part à mon plus grand desfastre :
« Va au feu, mon mignon, & non pas à la mort,

Tu es esgal à moy, & feras tel par elle, »
Diane repen’ toy, pense que tu as tort
Donner la mort à ceux qui te sont immortelle.