Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/65

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XCII.

Si mes vers innocentz ont fait à leur deçeu
Couroucer vostre front d’une faute imprudente,
C’est l'amour qui par eux vostre louange chante,
Amour a fait le mal, si du mal y a eu :

Lichas l'infortluné porta ainsi deçeu
Au filz d’Amphitrion la chemise sanglante.
Telle fut la priere, & folle & ignorante,
De la mere du Dieu par le fouldre conçeu :

Vous avez à l’amour bandé l'ame & la veuë,
L’amour ha de raison la mienne despourveuë,
Si nous avons failly, d’où viendra le deffaut ?

Excusez les effectz de l’amour aveuglee,
Excusez la fureur ardente & desreglee,
Puisque ce n’est point crime, où l'innocence faut.


XCIII.

Je confesse, j’eu tort, quand d’un accent amer,
Sans feindre, j’esclatay mes passions sans feinte :
Je devoys retenir ceste douleur esteinte
Sans prodiguer ainsi les nymphes dans la mer.

Mais quoy ! ma passion est trop forte à charmer
Pour deffendre à mes vers de l’avoir tant depeinte,
Si non que pour nourrir l'espérance sans crainte
Vous me donnez de quoy bien rire, & bien aymer,

Vous verriez mignarder une Venus pudique,
Mille Cupidonneaux, & ma fureur tragique,
Et mon luct & ma muse auront un autre but :

Diane, essayez donc si je sçauroy’ escrire,
Folaslre fredonner de la muse & du lut
Un plaisir de l’amour aussi bien qu’un martire.