Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/87

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Ha Dieu ! si pour la fin de ton yre ennemye
Ta main l’ensevelist, un sepulchre si beau
Sera le paradis de son ame ravie,
Le fera vivre heureux au milieu du tumbeau
D’une plus belle vie !
Mais elle fait secher de fievre continuë
Ma vie en languissant & ne veult toutefois,
De peur d’avoir pitié de celuy qu’elle tuë,
Rougir de mon sang chault l’yvoire de ses doitz
Et en troubler sa veuë.
Aveugle ! quelle mort est plus doulce que celle
De ses regards mortels & durement gratieux
Qui derobent mon ame en une aise immortelle ;
J’ayme donc mieux la mort sortant de ses beaux yeux
Et plus longue & plus belle !


VII.

Liberté douce & gratieuse.
Des petis animaux le plus riche tresor,
Ha liberté, combien es tu plus precieuse
Ni que les perles ni que l’or !
Suivant par les bois à la chasse
Les escureux sautans, moy qui estois captif,
Envieux de leur bien, leur malheur je prochasse,
Et en pris un entier & vif.
J’en fis présent à ma mignonne
Qui luy tressa de soie un cordon pour prison ;
Mais les frians apas du sucre qu’on luy donne
Luy sont plus mortelz que poison.
Les mains de neige qui le lient,
Les attraians regars qui le vont decepvant
Plustot obstinement à la mort le convient
Qu’estre prisonnier & vivant.