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J’aurais deux observations de délire traumatique à présenter, mais comme l’un des malades présente, à la suite de son traumatisme, une démence à forme catatonique, nous le verrons plus loin, et je me contenterai pour le moment, d’étudier un cas de délire traumatique aigu, répondant, en grande partie, à la description restée classique qu’en fit Dupuytren, en 1819, dans un mémoire sur les fractures du péroné. Voici ce que dit Dupuytren : « Si le soir, le lendemain ou le surlendemain d’une fracture, d’une luxation ou d’une opération quelconque, le malade paraît dans un accès de gaieté surnaturelle, s’il parle beaucoup, s’il a l’œil vif et la parole brève, les mouvements brusques et involontaires, s’il affecte un courage et une résolution désormais inutiles : Tenez-vous sur vos gardes ! Bientôt il se manifestera une singulière confusion d’idées sur les lieux, les personnes et les choses… Le malade en proie à l’insomnie, est ordinairement dominé par une idée plus ou moins fixe, mais presque toujours en rapport avec sa profession, ses passions, ses goûts, son âge, son sexe ; il se livre à une jactation continuelle. »

L’observation que j’ai à vous présenter est celle d’un rentier de province[1], vivant retiré avec sa femme, dans une vieille maison que, « depuis des temps immémoriaux, une génération repassait à l’autre. Successivement, chacun des propriétaires l’avait remise au goût du jour, en rajeunissant la toiture ou le pied, mais toujours elle était restée une jambe en l’air, avec une moitié d’elle-même en retard sur l’autre moitié d’un demi-siècle… L’oncle était une vieille bête, goguenard, dédaigneux, fort pour les haussements d’épaules et les silences insultants : elle, une vieille rosse, agressive, âpre, hargneuse ». Le bruit de leurs incessantes querelles emplissaient, du matin au soir, leur vieux musée, relique des temps anciens. Cette demeure laissait autant à désirer sur le

  1. G. Courteline : L’Escalier (Nouvelle Collection illustrée.)