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de ses amis et la musique composée par un autre déséquilibré que nous étudierons dans quelques instants. Hamiet, que l’éclosion d’idées nouvelles tient toujours en mouvement, voulait à chaque répétition, changer ou faire changer, ajouter ou couper des scènes. Par exemple, un jour il suggère que le médecin, le Dr Bougredâne, soit ventriloque, ce qui fournirait une scène très cocasse, dans son bureau, au lever du rideau ; une autre fois, il lui vient une autre lubie : « Si le docteur avait le diabète et le tambour-major aussi ? » et il explique où il veut en venir : « Supposons qu’ils ont tous deux le diabète, qu’ils fréquentent le même café, et prennent tous les soirs l’apéritif ensemble ? Eh bien ! au lieu de jouer le vermouth au piquet ou aux dominos, ils le joueront à l’analyse d’urine : celui des deux qui a le plus de sucre paie la consommation de l’autre !!! »… Et tous les jours, jusqu’au soir de la première représentation, c’est la même chose, inventions aussi spirituelles qu’inapplicables, aussi ingénieuses que ridicules. Mais dès que tout est prêt pour la première représentation, qu’on est à la veille de lever le rideau, Hamiet se désintéresse subitement et complètement de son projet ; revirement complet, son idée de théâtre de 10 hrs lui apparaît comme une folie, et « avec la même éloquence, la même force persuasive qu’il avait apportée deux mois auparavant, à démontrer l’excellence et le bien fondé de son entreprise, il en démontra la niaiserie et la puérilité sans bornes »… et aussitôt, une nouvelle idée a germé dans son cerveau sous pression : l’installation à Paris de la roulette et du 30 et 40, fonctionnant officiellement sous le contrôle des pouvoirs publics et la répartition en trois parts du gain obligé de chaque jour, l’une pour lui, l’autre pour l’État et la troisième — « immédiatement convertie en rente 3% incessible et insaisissable — au profit des femmes de perdants… ! »

Le troisième déséquilibré que nous ayons à étudier, est le musicien Stephen Hour[1].

  1. G. Courteline Les Linottes.