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Jean, « voir s’ils viennent ». Des milliers de bouts d’allumettes saupoudraient de grésil le plancher, des mégots de cigarettes, crachés au hasard de la lèvre, lépraient bizarrement les murs d’une invasion d’énormes cloportes immobiles, et Stephen Hour, à demi émergé du pêle-mêle de ses couvertures entre un pot de nuit à sa droite et un monticule de tabac à sa gauche, était une horreur de plus, parmi tant d’autres… »

La deuxième classe de dégénérés comprend les persécutés-persécuteurs, que l’on retrouve également, quoique moins systématisés, dans la paralysie générale, l’alcoolisme, la mélancolie. Nous aurons à étudier le persécuté-persécuteur processif, c’est-à-dire, le fou raisonnant, dont nous trouvons deux exemples dans Courteline, et le persécuteur vrai, le persécuteur à froid, par plaisir, par rancune, par haine, le persécuteur imbécile.

Le délire processif est une simple variété du délire raisonnant de persécution dont la caractéristique est de rouler sur des contestations judiciaires. Ce n’est pas par un vif sentiment du droit, mais par suite de l’absence du sentiment de son tort, que le processif se met dans un état d’irritation passionnée pour une offense imaginaire. Au lieu d’avouer que sa cause est mauvaise et perdue d’avance et d’en prendre son parti de bonne grâce, il accuse les avocats, le tribunal, toute la cour de partialité. Il passe son existence à plaider, à soutenir devant les tribunaux toutes les contestations possibles.

Le type du processif est La Brige[1]. Il se croit toujours la victime de vexations, de trames ourdies pour troubler sa tranquillité ; on lui en veut et les occasions ne lui manquent pas pour soutenir son rôle de persécuté. Aussi essaie-t-il de se venger, mais en restant dans les limites de la loi ; il ne va pas jusqu’aux actes violents, mais il ne cesse de s’adresser aux magistrats et aux tribu-

  1. G. Courteline : L’Article 330 ; Les Balances ; Hortense, couche-toi ! ; Une lettre chargée ; etc. etc.