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L’ILLUSTRE MAURIN

On eût dit qu’un mot d’ordre dirigeait les mouvements contradictoires de certains groupes : ils ne se ruaient vers le portillon que pour l’encombrer aussitôt, si devant eux il se trouvait libre un moment. Il était évident qu’on voulait retarder la sortie des deux gendarmes qui se trouvaient sans cesse refoulés, comme par hasard, sous la poussée d’une vague humaine, vers l’intérieur de la salle.

Au dehors, l’apparition de chacun des principaux personnages était saluée par les gens du pays assemblés en demi-cercle.

— Celui-là c’est Poisse. — Celui-ci c’est M. Rinal, qui a fait un discours magnific, mon homme ! — Ce gros-là, c’est Caboufigue le riche !

Marlusse parut enfin, et longtemps, complaisamment, demeura immobile dans l’encadrement du portillon ouvert au milieu de la haute et large porte fermée… Il avait l’air d’un tableau…

Un murmure aussitôt courut parmi les spectateurs. Tous connaissaient déjà le succès de sa harangue et quelle était sa puissance sur les masses électorales. Mais, dans ce murmure d’un peuple, tout n’était pas encore sympathique ; quelques attardés en étaient restés à la légende d’un Marlusse imbécile, du radoteur empêché de retrouver le mot plan… En outre, son nom de Marlusse (morue) le désignait à l’humeur gouailleuse des gamins qui se mirent à chanter tous ensemble : « Ô Marlusso ! Ô Marlusso ! » Et, excités sans doute par quelqu’un de ses ennemis politiques, ils firent pleuvoir avec ensemble autour de lui des navets et des carottes enlevés à l’étalage de l’épicerie voisine…

Aucun des projectiles n’atteignit Marlusse ; il sourit,