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L’ILLUSTRE MAURIN

— C’est, dit l’autre, penser le contraire des prêtres.

— Un M. Rinal, qui a plus de science dans le petit doigt de son pied gauche que toi dans toute ta tête, me l’a expliqué, poursuivit Maurin. Les libres penseurs sont de gros savants qui étudient comment le monde a pu se faire tout seul et le premier homme sans femme ou le premier œuf sans poule. Et le tron de Dieu me cure, si je suis capable d’expliquer une devinette si embrouillée ! Alors je n’essaie même pas, que j’en deviendrais chèvre ! J’aime mieux y renoncer, et je m’habille en mousquetaire quand ça me fait plaisir, et je fais péter mon tromblon à la fête de Saint-Tropez, qui est une fête de nos ancêtres, lesquels étaient nés d’une femme comme toi et moi. De plus malins que toi et moi ne peuvent pas dire si le soleil est ou n’est pas le seul bon Dieu. J’entends m’amuser aux fêtes de mes pères, aussi bien en chantant la chanson du Bouffés ou celle des Quenouilles, qu’en faisant chanter la poudre. Ôte-toi de mon soleil, que tu m’empêches d’enfiler l’aiguille, libre penseur que toi tu es !… Non, mais regardez-moi ce savantas ! Il m’appelle réac, cet imbécile !… Pas moins, si on attaquait la République comme en 51, mon tromblon de bravadeur la défendrait à mort, tandis que toi on te mettrait au derrière le canon de ton fusil à système et, en soufflant par la culasse, le nouvel empereur te gonflerait comme un âne de Gonfaron !… File, de peur que mon soulier ne te saute tout seul au derrière !

— Allons, Maurin, excuse ! je n’ai pas voulu te fâcher.

— À la bonne heure ! dit Maurin.

Et devenu calme subitement :