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L’ILLUSTRE MAURIN

Ces deux fanfares appartenaient toutes les deux à la commune de Bourtoulaïgue, voisine de Saint-Tropez et riche d’environ six cents habitants mâles.

Deux fanfares pour douze cents habitants environ, c’est trop. Quelques années auparavant, Bourtoulaïgue ne possédait qu’une seule fanfare : la Gloire de l’Harmonie. Mais la Gloire de l’Harmonie ayant eu à sa tête un chef d’opinion républicaine avec épithète, lequel avait jugé bon de se présenter aux élections communales, les républicains sans épithète avaient, de leur côté, jugé bon de créer une seconde société musicale. Et ainsi la Victoire de la Symphonie était née d’un désaccord.

Personne à Bourtoulaïgue ni en France n’avait compris l’utilité de cette deuxième fanfare, mais l’esprit de colère et de lutte est aveugle. Il emploie souvent ses énergies au hasard, et c’est pourquoi Bourtoulaïgue avait maintenant deux fanfares pour douze cents habitants, soit cent vingt musiciens, soit environ un musicien pour six Bourtoulaïguois mâles.

Et les deux fanfares étaient, comme de juste, en lutte constante.

La Gloire de l’Harmonie prenait ses vermouts dans un certain café, et la Victoire de la Symphonie prenait ses absinthes dans un autre.

Il en résulta que les deux patrons des deux cafés, qui étaient deux frères, se brouillèrent à mort. Ils n’avaient plus qu’un rêve, ils le disaient du moins : se manger le foie.

Quand la Symphonie demandait au maire la permission de jouer sur la place publique de Bourtoulaïgue à une heure déterminée, l’Harmonie était aussitôt prise