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Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/272

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L’ILLUSTRE MAURIN

Il y eut parmi les combattants un peu d’hésitation. Le tumulte parut s’apaiser. Le capitaine de ville reprit :

— C’est moi, — ne l’oubliez pas — qui suis ici le seul chef, le chef absolu !… Messieurs les gendarmes, de grâce n’intervenez pas, ou je ne réponds plus de rien. Mon autorité doit suffire ; je représente une tradition qui est souveraine ; il y a des siècles qu’elle n’a pas été méconnue ! Allons, c’est assez ! que l’Harmonie et la Symphonie se séparent à ma voix et qu’elles profitent de cette circonstance, pour ne plus faire qu’une seule société musicale. Certes, ce serait un miracle, mais ce n’est pas le premier qu’on devrait au grand saint Tropez.

Le chef, sur ce mot, exécuta avec sa pique un signe involontaire. Les bravadeurs crurent qu’il ordonnait une salve… et rrran ! cinquante tromblons partirent seuls !

— C’est cela, saluez, bravadeurs ! (s’écria-t-il habilement, dans l’espoir de désarmer à force d’éloquence la rage des deux fanfares hésitantes et la résolution des gendarmes incertains) ; c’est cela ! saluez en l’honneur des fanfares ! Entourez-les ! cernez-les ! et saluez encore !

Et de sa pique il fit un nouveau signe.

Les deux musiques furent entourées aussitôt par tous les corps de bravade… et rrrrran !… On eût pu croire que la ville entière sautait jusqu’aux nues dans l’incendie d’une poudrière…

Coup fatal ! quelques cailloux, soulevés par le souffle tout-puissant des tromblons, frappèrent au visage les musiciens qui en étaient encore à se menacer les uns les autres, à s’insulter à travers le vacarme… et cette impression inattendue déchaîna la rage des combattants qu’on voulait apaiser. On eût dit que la poudre enflammait