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L’ILLUSTRE MAURIN

une force redoutable. Il a entre ses mains la vie et la mort des grands quotidiens… En résumé, il tient en bride les deux plus grandes puissances du monde moderne : le suffrage universel et la presse. Voilà pourquoi et comment il est véritablement le nouveau roi du monde. Mais les courses commencent… Voyons ce que cela deviendra.

Maurin, d’un air irrité, descendit de cheval et Pastouré l’imita.

— Monsieur le sénateur, dit Maurin, nous autres le peuple, nous ne savons pas expliquer les choses, mais nous répétons souvent dans ce pays-ci une parole qui en assemble beaucoup. Nous disons : « Aï, pauvre France ! » et je le vois bien, c’est « Pauvre France ! » qu’il faut dire…

— Bah ! répliqua le sénateur, la vie d’un grand pays est puissante elle aussi, et l’on trouve tôt ou tard remède à tout !

— Après ça, dit Maurin, ça n’est pas plus fort que mon histoire de chien enragé… mais c’est à peu près.

M. le sénateur ne l’entendait plus. Il entrait dans le cirque avec l’instituteur son ami.

Alors Maurin se tourna vers Pastouré :

— Je suis là que je me pense des choses terribles, ami Pastouré. Si tout ce que nous a dit M. Besagne est vrai, un jour il nous faudra entreprendre, nous autres républicains, une révolution contre la république, pour te refaire une France ! Et cette idée m’embête ! N’empêche que, si mon peuple le demandait, je me mettrai à sa tête, noum dé pas Diou ! Je suis déjà allé à Paris pour mon compte, à pied. Je suis un homme, tel que tu me vois, capable d’y retourner avec un peuple derrière moi !