Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
L’ILLUSTRE MAURIN

« — Ah ! que cela est bien dit ! C’est bien ça que je voulais !… Et cette morale, le journal la mettra ?

« — Non pas ! vous ferez encadrer comme un tableau ce papier que je vous donne. Et ce tableau, vous le suspendrez au bout d’une bigue (perche) que vous planterez, au cimetière, sur la tombe de votre mari.

« — Oh ! monsieur Cabissol, quelle bonne idée ! »

« Et la pauvre femme déposa timidement sur le bord de ma table une belle pièce de cinq francs.

« — Reprenez ça, lui dis-je, j’ai seulement voulu vous faire plaisir, je ne fais pas ça par métier. »

« Elle reprit son écu, se leva en remerciant, avec une émotion portée à son comble, fit retomber sur son visage son voile de deuil qui traînait jusqu’à terre, et se dirigea vers la porte.

« Tout à coup, sur le seuil, elle se retourna, hésitante, puis, brusquement, revint vers moi, et dans un élan de reconnaissance, parlant par saccades, à travers des sanglots :

« — Puisque vous êtes si brave, monsieur Cabissol, vraiment je ne peux pas vous tromper… je comprends qu’on doit la vérité à un homme qui ne veut pas recevoir d’argent… ça me coûte un peu à vous dire, mais je comprends que je vous le dois… Non, non, je ne veux pas me le garder… Il faut que je vous le dise, à vous !… »

« Elle s’interrompit, secouée par le hoquet de la douleur, puis d’une voix suraiguë, comme pour dominer le bruit de ses sanglots, elle dit très vite, très vite, en criant :

« — Il était toujours saoul, monsieur, toujours saoul, pechère ! Et il me battait toutes les nuits beaucoup, et