Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
L’ILLUSTRE MAURIN

n’était pas homme non plus à gagner le bois pour quelques minutes, un jour d’ouverture, sans emporter son fusil. Il se leva donc, le fusil en main (il eût songé d’ailleurs à le prendre pour se donner une contenance), et il disparut.

Dix minutes plus tard, les bavardages battaient leur plein, et le juge, sourd aux reproches de sa conscience, attaquait une seconde tranche de melon, lorsque la voix de Pastouré éclata, terrible, sous un bouquet de pins, dans les bruyères voisines. Parlo-Soulet semblait furieux :

— Ô bourreau ! hurlait-il à tue-tête, canaille ! voleur ! forçat ! brigand ! tu te crois preutrêtre de t’échapper ! mais je te tiens, puisque je te vois ! et tu ne m’échapperas pas ! C’est toi qui as volé les melons ! c’est toi preutrêtre qui les as mangés ! Si tu les as volés pour les manger, passe encore ! mais, bandit ! assassin ! si tu les as vendus, je me plaindrai chez le juge ! Les juges ne plaisantent pas ! tu iras en galère, gueusard ! enfant de gueuse !

Ainsi les injures se précipitaient…

— Cet homme va faire un malheur ! Allez donc voir, maître Maurin, s’écria le juge… Allons-y, messieurs.

— Ne vous troublez pas, fit Maurin tranquillement, vu qu’il n’y a pas de quoi… Je sais ce que c’est…

La voix de Pastouré n’avait pas cessé de tonitruer :

— Réactionnaire ! mendiant ! royaliste ! marrias ! conservateur ! féna ! clérical ! voleur ! canaille ! J’aurai ta peau ! attends un peu ! attends-moi seulement !

Le juge se leva, vraiment ému.

— Je ne souffrirai pas, dit-il, qu’à deux pas de moi… À qui en a-t-il enfin ?