Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
382
L’ILLUSTRE MAURIN

— Coquin de sort ! mon homme ! c’est toi qui pues de la sorte ?

— Oui, expliqua Lagarrigue. Tu vas comprendre : c’est un mal pour un bien !… Il faut sentir comme ça, d’après moi, si l’on veut attraper les animaux puants. Pour leur pas faire peur, le mieux est de puer comme eux.

— Et comment t’y prends-tu ?

— J’ai de vieilles pommades que je me suis fabriquées autrefois avec de la graisse de toutes ces sortes de vilaines bêtes ; et, selon la chasse que je veux faire, je me graisse la veille, m’étant mis tout nu, tantôt avec de la fouine, tantôt avec de la martre. Mon carnier, je le graisse de même et aussi mon fusil ; enfin je sens mal de partout. Ça fait que les bêtes puantes ne se méfient pas de moi. Ne te plains donc pas de mon odeur. C’est à elle que ton prince russe devra sa collection. La caque sent le hareng, pardi ! et le pêcheur de morue sent la saumure.

« Pour aujourd’hui… j’ai mis de la belette !

— J’aurais cru, dit Maurin, que c’était du blaireau pourri.

— C’est, dit Lagarrigue sans humilité, c’est de la belette un peu rance.

— Ma foi de Dieu ! repartit Maurin, plutôt que d’être forcé de chasser tous les jours avec toi, j’aimerais mieux, quoique j’aime la chasse par-dessus tout, y renoncer pour la vie et habiter, cul sur chaise, toute ma vie durant, la bonne ville de Grasse où l’on cultive tous les parfums de toutes les plus jolies fleurs — et où on les met en bouteille… Toi, par exemple, tu ne sens pas la fleur d’Oranger, jeune homme !