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L’ILLUSTRE MAURIN

paquet d’allumettes qui communiquent la flamme à un foyer tout préparé. Un merle allume ainsi deux mille hectares de forêts, — pendant que le chasseur ou le bûcheron coupable est à quinze lieues de là, tranquillement, dans sa maison.

Le préfet s’approcha des travailleurs :

— En voilà un là-bas qui est partout à la fois… quel homme !… Eh ! mais… c’est vous, Maurin !

— C’est vous, monsieur le préfet ? on est exténué, on n’a pas dormi depuis trois jours. Et le vieux Pastouré qui trime comme un jeune ! Par malheur, nous ne parvenons pas à faire grand’chose… Ah ! si je le tenais, celui qui a fait le coup !

— Soupçonnez-vous quelqu’un ? qui serait-ce ?

Éclairé par l’immense brasier, Maurin, l’œil irrité, répliqua :

— Je m’en doute, mais la preuve !… Je suis payé pour penser qu’il ne faut pas accuser sans preuve ! Au revoir, monsieur le préfet…

Quand la nuit se fit, une grande rumeur s’éleva parmi les travailleurs… le feu reprenait sur plusieurs points à la fois avec une furie nouvelle !

L’incendie resplendissant faisait paraître plus obscure l’immensité du ciel nocturne.

La haute flammade, derrière elle, laissait un champ de gigantesques tisons tout debout, qui gardaient çà et là leurs formes d’arbres. On voyait les parties noires de ces tisons arborescents fourmiller tout à coup d’étincelles circulantes — tandis que les parties rouges s’éteignaient pour se rallumer encore au moindre souffle. Une mort infernale vivait partout où avait fleuri la plante, verdi la branche. Les animaux avaient fui,