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L’ILLUSTRE MAURIN

— J’entends qu’un écrivain qui se respecte et qui respecte son lecteur ne peut pas…

— Et moi, je n’en peux pas croire mes oreilles ! s’écria le licencié d’Auriol. Voilà donc où en est la France de Rabelais, de La Fontaine et de Molière ! Voilà où en sont nos libertés morales, après la révolution politique de 89 et la révolution littéraire de 1830 !… Et c’est vous, vous Cabissol, qui vous faites le champion du mot convenable et de la périphrase auguste !… Défense, comme l’a dit Victor Hugo, de déposer du sublime dans l’histoire ! C’est incroyable ! Êtes-vous donc incapable de faire la distinction entre un mot bas (qui ne représente qu’une ordure) et une inconvenance, geste ou parole, qui a un sens élevé, qui représente un mouvement de l’esprit ou qui seulement devient le motif d’une manifestation de pensée, indignation ou enthousiasme ? Vous n’avez donc ni chaleur de sang, ni faculté d’idéalisation, ni probité de cœur ! Être incapable de faire les distinctions que je dis, reculer devant la beauté ou la force d’une parole au nom des seules convenances, c’est cela même qui est le propre du bourgeois ! du philistin, entendez-vous !… Ni les gens qui sont nés, ni ceux qui, sans l’être, vivent quand même, — n’ont jamais reculé devant le mot défendu, pourvu qu’il fût loyal, franc, net, — ce qui lui ôte toute indécence ou vilenie. J’en appelle à Henri IV et à la princesse Palatine, aussi bien qu’à Mathurin Régnier !… Et puis, tron-de-pas Dieu ! il y a autre chose, dans vos timidités, qu’une crainte puérile d’être blâmé par les bourgeois : il y a une infâme hypocrisie ! Comment ! nous vivons dans une époque où la pornographie, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est une reine choyée,