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L’ILLUSTRE MAURIN

— Oui, dit-il, mais ne me tourmente plus.

Elle l’embrassa. Il se disait : « C’est bien le dernier baiser que je reçois ! » Et tout haut :

— Il y a un homme, Tonia, à qui tu pourras tout dire, c’est M. Rinal, à Bormes, avec bien des remercîments de ma part parce qu’il a instruit un de mes enfants, mon petit Bernard… À présent, va-t’en au plus vite, pour plus vite revenir…

Elle s’éloigna, il la rappela.

— Que veux-tu, Maurin ?

— N’oublie pas de dire à M. Rinal bien des remercîments de ma part… et que le bon Dieu te bénisse !

Elle dut le laisser seul. Il lui fallut plusieurs heures pour trouver du secours.

La nuit était venue.

Seul, là-bas, Maurin était à terre, brûlé de fièvre. Un lourd sommeil l’écrasa, et son esprit excité se démenait, tout en visions, sous le poids de plomb du sommeil.

Une sensation plus nette que toutes les autres revenait sans cesse. Il se croyait transformé en porc sauvage, selon son expression habituelle, en sanglier blessé. Et tantôt il sentait couler le sang de sa hure déchirée et le long de ses défenses. Alors il fonçait sur un chasseur, et, parvenu près de ce chasseur, il reconnaissait avec épouvante que c’était lui-même… Mais il était lancé et il enfonçait un de ses crocs de sanglier dans sa propre cuisse d’homme, puis il s’enfuyait, à grands bonds, cassant sous lui les bruyères sèches.

Alors le chasseur, qui était Maurin, le visait et lui brisait la jambe. Et il tombait sur son train de derrière et se traînait dans la broussaille, tandis qu’au loin on criait : « À la barre ! » Par-dessus tous les autres