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L’ILLUSTRE MAURIN

donnée à tous, chaque indignation une révolte en faveur de la masse, chaque cri un cri d’espérance. Dans ses fautes, toutes avouables, il n’y avait jamais eu trace de calcul, nulle intrigue. Et brusquement cette âme puérile et honnête, qui habitait un corps d’homme mûr, s’était trouvée face à face avec l’âme sournoise, lâche et indifférente de la vieille humanité… Et cette humanité vieille, corrompue et désolante, souriait avec des lèvres de petite fille… Était-ce donc cela, la vérité ? Quel cauchemar qu’un tel réveil !

Maurin était vaincu, mort déjà à ce monde, comme tous les idéalistes, ces rêveurs aveugles, qui, subitement opérés de la cataracte, découvrent tout le réel. Le coup de lumière brutale qui les tire de leur songe les tue.

Voilà ce que devinait M. Rinal. Il avait vu naguère, au récit d’un procès fameux qui occupait toute la France, Maurin se mordre tout à coup le poing jusqu’au sang avec ce cri d’angoisse :

— Maï alor ? y aurié gès dé justici ! — Mais alors ? il n’y aurait donc point de justice !

Doute sublime ! Eh non ! il n’y a pas de justice. Il y a seulement, au cœur des Maurin, un rêve de justice toujours déçu, toujours renaissant, admirable encore lorsqu’il reste vain… et qui parfois se réalise, mais au-dessus de la foule humaine, et non pas, hélas ! en cette foule elle-même !

Tout héros ne se nourrit jamais que de son propre cœur. Et au jour de la déception, après avoir cru communier avec tous, il ne se trouve qu’en face de sa propre humanité chétive, jamais en présence d’un Dieu qu’il a bien désiré et qu’il eût bien aimé s’il s’était laissé voir !