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L’ILLUSTRE MAURIN

Le vieux se nommait Trestournel, l’adolescent Mignotin ; les deux évadés sans nom, les deux « Parisiens », répondaient aux sobriquets de Pognon et de Galette, l’estropié à celui de Laragne. Ils mangeaient le plus souvent de la galette marine qui moisissait dans un coin, sous la toile crevée des sacs entassés ; parfois, quelques fruits, du saucisson, du fromage, que, la nuit, Mignotin courait acheter dans une gargotte, aux carrefours de la grande route, ou que leurs amis du dehors leur attachaient en bas à des ficelles, et que les contrebandiers remontaient avec une curiosité de bêtes gourmandes. Rarement, ils avaient du vin, mais ils avaient de l’eau-de-vie, de l’absinthe surtout !

Pour Maurin, Pastouré organisa un service de ravitaillement. Le bon géant allait lui-même aux provisions. De l’argent, Pastouré en avait. Il améliora l’ordinaire de ses compagnons de captivité. Maurin, tout d’abord, dans ce grand repos d’un asile ignoré, avait cru sentir revenir ses forces, mais sa blessure le faisait souffrir beaucoup. Hélas ! ce qui envenimait son mal, c’était l’autre blessure, la vraie, son souci moral, ses regrets, sa déception infinie.

Il songeait trop, la nuit ; il sentait s’en aller ses énergies de héros. La tache d’un soupçon était sur lui. Il la sentait. Elle lui pesait, le brûlait. Il se disait des choses tristes, mais il disait surtout des choses bonnes, car, selon l’expression fréquente du peuple provençal, il « n’était pas de ces gens qui n’ont point d’amour ».

La nuit venue, à voix basse, on se remettait à causer tous ensemble.

Dans le fond de la grotte ceux qui voulaient fumer un petit peu de tout ce tabac frauduleux se retiraient,