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L’ILLUSTRE MAURIN

Puis tu viendras, je te le dis,
Dans la France du Paradis.

— Sois soldat, comme moi je fus berger. La bergère, armée de l’Espaze (l’Épée), te reconnaîtra.

Mignotin se rassit, tout éperdu de crainte mystérieuse. L’athée tremblait devant le sorcier. Tous s’étonnaient confusément d’eux-mêmes, dans l’ombre.

Trestournel marmonnait :

Saint Martin porte un grand manteau
Bleu comme le ciel le plus beau,
Avec l’or du soleil pour franges,
Comme on voit aux robes des anges…
Un pauvre l’arrête en chemin
Et le prie en tendant la main ;
L’âge fait que le vieux tremblote,
Le froid veut encor qu’il grelotte ;
Alors, du haut de son cheval
Qui foule aux pieds l’Esprit du mal,
Le cavalier, armé du glaive,
Ôtant son manteau, le soulève,
Le coupe et d’un seul en fait deux :
— « Ne grelotte plus, grelotteux…
Ton manteau, comme ceux des anges,
Avec l’or du soleil pour franges,
Épais velours sur bleu satin,
C’est le manteau de saint Martin ! »

Eh ! eh ! dit Pastouré, voilà qui me rappelle, Maurin, une de nos plus drôles d’aventures.

Mais Maurin, triste, songeant, non plus pour lui mais pour ceux qui vivraient après lui, à la sottise et à la méchanceté des hommes :

— Et contre la rage, sais-tu des secrets, vieux Père ? Crois-tu qu’un bon bâton qui frappe sur la tête du chien fou n’est pas le meilleur secret ? Il y a des bêtes enragées qui ont figures d’homme.

— Le bâton est bon si tu ne manques pas ton coup. Mais si tu le manques ou si tu ne joins pas la bête,