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L’ILLUSTRE MAURIN

médecin Rafaëli. Et il y eut un de vos journaux parisiens qui trouva comme vous nos « mœurs étranges » ! Aimer ses amis et le leur dire avant qu’il soient morts, honorer ceux qui travaillent et qui font honneur à leur pays, qu’y a-t-il là de si singulier ? Ce qui serait étrange et fâcheux, c’est que nous ne le fissions pas. Et je plains les pays qui manquent à ce devoir !

« Une fois, tenez, à cette place même, lorsque nous fêtâmes Jean d’Auriol, comme nous fêtons aujourd’hui Maurin, — j’avais fait élever une cabane de verdure toute fleurie pour honorer une brave marchande de gâteaux qui, depuis trente ans, venait s’installer là et vendre à nos petits enfants du sucre de pomme et des brioches. Elle en pleurait d’émotion, la bonne vieille, et cela nous faisait chaud dans le cœur. Croyez-vous que les couronnes civiques d’un village soient risibles parce qu’elles sont pauvres, ou seulement lorsqu’elles sont offertes à des humbles ? Eh bien, nous, nous disons dans notre patois : Toutes les bouches sont sœurs, et ce qui est bon pour les grands est délicieux pour les petits.

— Permettez…, essaya de dire M. Labarterie.

— Permettez encore, reprit Cigalous avec force, il y a assez longtemps que les Parisiens nous agacent ! Est-ce parce qu’ils nous plaisantent ? Non ! car c’est nous-mêmes, nous seuls, qui leur avons appris à rire de nous. Mais ils nous agacent parce qu’ils ne détendent jamais la plaisanterie, parce qu’ils l’ont prise au sérieux, parce qu’ils méconnaissent notre bon cœur et les meilleures qualités de notre esprit, sans lesquelles la France s’embêterait bougrement, n. de D. ! — Des Parisiens, vous en connaissez peut-être assez pour répéter mes paroles à beaucoup ? Eh bien, dites-leur qu’ils nous donnent envie,