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VIII



Pierre Puget, ton œuvre, à tout jamais vivante,
Exprime une douleur qui fait mon épouvante.
Je pense aussi de toi que tu n’as jamais ri.
Homme fiévreux, cerveau visionnaire, un cri
Te suivait ! Tu voulus qu’il sortît de la pierre.
Un Verbe emprisonné se tord dans la matière,
Tu voulus qu’il fût libre : il le fut, ô sculpteur.
Mais la forme obéit à son libérateur,
Et le marbre a gardé, plein d’une âme infinie,
Des poses de vaincu sous ta main de génie.

Tu chargeais tes héros de misère ou d’effroi,
Et la cariatide était l’homme pour toi.

Lorsqu’il te plaît, pourtant, tu sais, sous la caresse
Du ciseau plus léger, exprimer la tendresse,
Créer un corps de vierge aux suaves contours
Et des Anges mutins faits comme des Amours.
L’Andromède est charmante et svelte ; elle est bien femme.
Mais quand tu veux vraiment nous exprimer ton âme,
Tu ne modèles point ces êtres ravissants ;
Tu sculptes tes héros ou tes vaincus puissants !…
On dirait, ô Puget, que les meilleures choses,
Le rire des seize ans, les filles et les roses,
Les tranquilles amours, la paix dans le sommeil,
Les bonnes morts, la joie au lever du soleil,