Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/169

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Doña Angela, assise sur une butacca, ayant à ses pieds Violenta, s’occupait à un ouvrage de couture. En voyant entrer son père et les personnes qui l’accompagnaient, une vive rougeur empourpra ses joues ; mais presque aussitôt elle devint pâle comme une morte ; cependant elle parvint à dominer l’émotion qu’elle éprouvait, se leva, salua silencieusement à la ronde et se rassit.

Le général la considéra un instant avec une expression de colère et de tendresse ; puis se tournant brusquement vers le missionnaire :

— Parlez-lui, mon père, lui dit-il d’une voix saccadée, car je ne m’en sens pas la force.

La jeune fille sourit tristement.

— Mon bon père, dit-elle au missionnaire, je vous remercie de l’inutile démarche que vous tentez aujourd’hui auprès de moi. Ma résolution est prise ; rien ne pourra la changer, elle est immuable. Je ne reviendrai jamais parmi les miens.

— Malheureuse enfant ! s’écria le général avec douleur, quelle raison a pu te pousser à m’abandonner ainsi ?

— Je rends justice à votre bonté et à votre tendresse pour moi, mon père, répondit-elle avec mélancolie. Hélas ! peut-être est-ce cette tendresse sans bornes et cette liberté dont toujours vous m’avez laissée jouir qui sont cause aujourd’hui de ce qui arrive. Je ne vous adresse pas de reproches, mon destin m’a entraînée ; je subirai les conséquences de la faute que j’ai commise.

Le général fronça les sourcils et frappa du pied contre terre avec colère.

— Angela, ma fille bien-aimée, reprit-il avec