Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/201

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profit qu’en retireront les habitants. La Sonora est menacée par des ennemis puissants autres que les Indiens. Ces ennemis sont les Américains du Nord, ces juifs errants de la civilisation dont déjà il vous est possible, messieurs, d’entendre les haches abattre les dernières forêts qui vous séparent d’eux et qui bientôt vous envahiront et s’empareront, si vous n’y prenez garde, de votre pays, sans qu’il vous soit possible d’opposer la moindre résistance à cette inique conquête ; car vous n’avez aucun appui à attendre de votre gouvernement, qui consume toute son énergie dans les luttes sans portée et sans moralité des ambitieux cabecillas qui s’arrachent tour à tour le pouvoir.

— Oui, oui, s’écrièrent plusieurs personnes, c’est vrai, le comte a raison.

— Cette conquête, dont vous êtes menacés, est imminente, elle est inévitable, et alors qu’arrivera-t-il, messieurs ? Ce qui est arrivé partout où les Américains du Nord sont parvenus à s’implanter : vous serez absorbés par eux, votre langue, vos coutumes, votre religion même, tout sera submergé dans ce grand cataclysme. Voyez ce qui se passe au Texas, et frémissez en songeant à ce qui vous attend bientôt vous-mêmes !

Un frémissement de colère parcourut les rangs de l’assemblée à ces paroles, dont chacun reconnaissait intérieurement la justesse.

Le comte reprit :

— Vous avez un moyen d’éviter ce malheur effroyable : ce moyen est entre vos mains, il dépend de vous seuls.

— Parlez ! parlez ! s’écria-t-on de toutes parts.