Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/222

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Au moment où les voyageurs enraient dans le défilé, la lune se dégagea des nuages au milieu desquels elle nageait et vint éclairer ce redoutable passage de sa lumière triste et blafarde.

Cette clarté, toute faible qu’elle fût, ne laissa pas d’être agréable aux voyageurs en leur permettant de jeter un regard autour d’eux et de s’orienter.

Ils pressèrent le pas de leurs montures fatiguées, afin de parvenir plus tôt au bout du sombre passage dans lequel ils se trouvaient.

Ils marchaient ainsi depuis environ dix minutes, et étaient parvenus presqu’à la moitié du défilé, lorsqu’un hennissement traversa l’espace.

— Nous avons des voyageurs derrière nous, dit le missionnaire en fronçant les sourcils.

— Et des voyageurs pressés, à ce qu’il paraît, répondit doña Angela. Écoutez…

Ils s’arrêtèrent pour prêter l’oreille. Le bruit de la course précipitée de plusieurs chevaux arriva jusqu’à eux.

— Quels peuvent être ces hommes ? murmura le missionnaire en se parlant à lui-même.

— Des voyageurs comme nous, probablement.

— Non, dit le père Séraphin, des voyageurs n’auraient pas cette allure pressée : ce sont des individus qui en poursuivent d’autres, nous sans doute.

— Cela n’est pas probable, mon père ; nul ne connaît notre voyage.

— La trahison a l’œil du lynx et l’oreille de l’opossum, ma chère enfant ; elle veille sans cesse ; tout se sait, un secret n’en est plus un lorsque deux