Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/246

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— Votre main, caballero, et maintenant un mot.

— Parlez.

— Prenez garde aux gens en qui vous mettez votre confiance.

— Expliquez-vous.

— Je ne puis en dire davantage sans être un traître moi-même.

— Oh ! toujours, toujours la même trahison, murmura le comte devenu pensif.

— Maintenant, adieu, caballero ; s’il m’est défendu de faire des souhaits pour la réussite de vos projets, du moins je n’en ferai pas contre ; et si vous ne me rencontrez pas dans les rangs de vos amis, vous ne me verrez pas non plus dans ceux de vos ennemis.

Le vieux capitaine se mit en selle d’un bond, fit exécuter quelques gracieuses courbettes à son cheval, et, après avoir salué les assistants, il partit au galop.

Le reste de la journée ne fut qu’une fête continuelle. Le comte avait réussi : sa conduite généreuse envers les prisonniers avait porté coup ; les aventuriers français avaient grandi de cent coudées dans l’esprit des Sonoriens ; le comte avait acquis subitement une grande influence dans le pays, et déjà certains esprits pronostiquaient une heureuse issue à l’expédition.

Lorsque le soir fut arrivé, don Luis convoqua tous les chefs de l’armée à un conseil de guerre secret.

Par un hasard providentiel, le comte, qui, sans doute, d’après la confiance qu’il avait en lui, aurait permis à don Cornelio d’assister au conseil, l’avait chargé d’aller à la Magdalena, traiter de l’achat de plusieurs chevaux dont il avait besoin. Cette mission,