Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/312

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— Eh bien, non, dit-il, je ne te cacherai rien. Mon destin m’entraîne ; je sais que ce n’est pas à la conquête, mais à la mort que je marche ! Mais, peu m’importe, il le faut, je veux la revoir ! Tiens, lis.

Le comte tira de sa poitrine la lettre que lui avait apportée Curumilla et la remit à Valentin.

Celui-ci la lut.

— Bien, dit-il. Je préfère que tu sois franc avec moi. Je te suivrai.

— Merci ! mon Dieu, ajouta-t-il avec mélancolie, je ne me fais pas illusion ; je connais ce vieux proverbe latin qui dit : Non bis in idem ; ce qui une fois est manqué l’est pour toujours ; je ne me laisse pas tromper par les protestations hypocrites du général Guerrero et de son digne acolyte le señor Pavo ; je sais parfaitement que tous deux me trahiront à la première occasion. Eh bien, soit ! j’aurai revu celle qui m’attend, qui m’appelle, qui est tout pour moi, enfin ; si je tombe j’aurai une mort digne de moi, la route que j’aurai tracée, d’autres plus heureux la suivront et porteront la civilisation dans ces contrées que toi et moi nous avions rêvé de rendre libres.

Valentin ne put s’empêcher de sourire tristement à ces paroles, qui résumaient complétement pour lui le caractère du comte, composé étrange des éléments les plus divers et où la passion, l’enthousiasme et l’orgueil s’entre-choquaient comme à plaisir.

Le lendemain Louis ouvrit des bureaux d’enrôlement, et quelques jours plus tard il s’embarquait sur une goëlette avec ses volontaires.

Le voyage commença sous de mauvais auspices, les aventuriers firent naufrage ; sans Curumilla, qui