Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/323

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Celui-ci secoua tristement la tête.

— Hélas ! dit-il, je ne puis pas fuir, ma vie ne m’appartient pas ; j’ai juré à mes compagnons de ne pas les abandonner ; si je fuyais, je serais un traître.

Doña Angela s’approcha de lui, et penchant gracieusement sa tête :

— Adieu, don Luis, dit-elle, vous agissez en caballero, suivez votre destin ; votre honneur est autant à moi qu’à vous ; je veux qu’il soit sans tache : je n’insiste pas, adieu. Donnez-moi un baiser sur le front ; nous ne nous reverrons que le jour de notre mort.

Tout à coup, un cri s’éleva dans la rue, tellement horrible, que les trois personnes tressaillirent de terreur.

La porte s’ouvrit, et Curumilla entra ; son visage était calme et sa marche aussi tranquille que de coutume.

— Vous êtes donc sorti par la porte du coral, chef ? lui demanda Valentin.

— Oui.

— Mais don Cornelio, qu’en avez-vous fait ?

— Libre ! dit l’Indien.

— Comment, libre ! s’écria don Luis.

— Il doit y avoir quelque chose là-dessous, reprit le chasseur. Pourquoi avez-vous rendu la liberté à cet homme ?

Curumilla retira de sa ceinture son couteau, dont la lame était rouge de sang.

— Il n’est plus à craindre, dit-il.

— Vous l’avez tué ? s’écrièrent les trois personnes.

— Non, dit-il ; il est muet et aveugle.