Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/333

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ses. Maintenant, le moment d’agir est venu ; tout est préparé pour ta fuite, les geôliers sont gagnés, ils ne te verront pas sortir de la prison ; un navire est frété par moi ; prends ton chapeau et viens. Dans dix minutes, nous serons à bord, dans une demi-heure, sous voiles, et nous laisserons la justice mexicaine s’arranger comme elle pourra. Hein, j’ai bien manœuvré, n’est-ce pas, frère ? tu vois que je n’ai pas perdu de temps et que tout cela est très-simple.

— Fort simple, en effet, répondit le comte du ton le plus calme ; je te remettre de ce que tu as fait.

— Cela n’en vaut pas la peine, frère, en vérité.

Le comte lui posa la main sur le bras pour l’interrompre.

— Seulement, continua-t il, je ne puis accepter ta proposition.

— Hein ? s’écria Valentin avec un bond de surprise, que me dis-tu donc là, frère ? tu plaisantes, je suppose ?

— Nullement, frère ; ce que je dis est la vérité ; ma volonté inébranlable est de léguer au peuple mexicain l’iniquité de ma condamnation, la tache indélébile de ma mort. Je ne fuirai pas, je ne le puis, ni ne le dois, ce serait lâche de ma part. Un soldat n’abandonne pas son poste ; un gentilhomme ne souille pas son blason ; un Français n’a pas le droit de déshonorer son nom. Je meurs pour une idée noble, et grande, l’émancipation et la régénération d’un peuple. Cette idée avait besoin du baptême du sang pour prospérer et porter des fruits plus tard ; je lui donne le mien sans regret, sans