Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/338

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Les juges se retirèrent pour délibérer. Ils rentrèrent au bout de cinq minutes.

Le comte Louis de Prébois-Crancé, reconnu coupable à l’unanimité des voix, était condamné à être passé par les armes.

L’interprète-juré du tribunal fut alors sommé par le président de traduire sa sentence au condamné ; mais alors il se passa une chose étrange.

Cet interprète se leva, et s’adressant au tribunal :

— Non, messieurs, dit-il résolûment, je ne traduirai pas cette sentence inique que bientôt vous regretterez vous-mêmes d’avoir prononcée.

Cette énergique protestation interdit un instant les juges.

Séance tenante, l’interprète fut révoqué.

C’était un Espagnol.

— Messieurs, dit alors le comte avec le plus grand sang-froid, je comprends assez bien votre langue pour savoir que vous m’avez condamné à mort ; que Dieu vous pardonne comme je le fais.

Il salua le tribunal en souriant, et se retira aussi calme qu’il était arrivé.

Le comte fut immédiatement mis en capilla.

En Espagne et dans toute l’Amérique du Sud, les condamnés à mort sont placés dans une chambre au fond de laquelle est un autel. Près du lit du condamné est placé le cercueil dans lequel, après l’exécution, doit être enfermé son corps ; les murs sont tendus de draps noirs, semés de larmes d’argent et d’inscriptions funèbres. Cette coutume assez cruelle, à notre avis, et qui est évidemment un reste des temps barbares du moyen âge, a proba-