Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/342

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dehors : la porte de la capilla s’ouvrit, le colonel Suarez parut.

— Je suis à vos ordres, colonel, dit le comte, sans laisser à celui-ci le temps de lui parler.

Il passa une dernière fois ses doigts dans ses moustaches, lissa ses cheveux, prit son chapeau de Panama qu’il garda à la main, et après avoir jeté un mélancolique regard autour de lui, il sortit.

Le père Séraphin marchait à sa droite, doña Angola, le capuchon rabattu, à sa gauche ; Valentin venait ensuite, chancelant comme un homme ivre, malgré les efforts qu’il faisait, les yeux hagards et le visage baigné de larmes.

Il y avait quelque chose de navrant dans l’aspect de cet homme aux traits énergiques et au teint bronzé en proie à une telle douleur, d’autant plus profonde qu’elle était muette.

Il était six heures du matin, le soleil venait de se lever, la matinée était magnifique, l’atmosphère était remplie de senteurs âcres et enivrantes, la nature semblait en joie, et un homme plein de vie, de santé, d’intelligence, allait mourir, mourir brutalement, frappé par des ennemis indignes.

Une foule immense couvrait le lieu de l’exécution, les troupes étaient rangées en bataille.

Le général Guerrero, en grand uniforme tout resplendissant de pierreries, paradait à la tête des troupes.

Le comte marchait doucement, causant avec le missionnaire, et de temps en temps adressant la parole à l’héroïque jeune fille qui n’avait pas voulu l’abandonner à cette heure suprême. Il tenait son chapeau devant son visage, afin de se garantir des rayons du soleil, et s’éventait nonchalamment.