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Nous l’avons dit, les Indiens étaient cernés ; toute fuite leur devenait impossible.

Les aventuriers, exaspérés par la longue lutte qu’ils avaient eu à soutenir, massacraient sans pitié les ennemis vaincus qui les imploraient en vain.

Les Indiens éperdus couraient çà et là, sabrés au passage, percés par les baïonnettes et foulés sous les pieds des chevaux, qui, aussi cruels que leurs maîtres, et enivrés par l’odeur âcre du sang, piétinaient sur eux avec frénésie.

Les cadavres s’amoncelaient au centre du cercle fatal qui se rétrécissait incessamment autour d’eux.

À bout de force et de courage, les misérables Peaux-Rouges avaient jeté leurs armes, les bras croisés sur la poitrine, serrés les uns contre les autres, ils avaient renoncé à disputer plus longtemps leur vie et attendaient la mort avec le calme sombre du désespoir et l’impassibilité qui caractérise leur race.

Le comte aurait voulu, depuis longtemps déjà, arrêter cet horrible carnage ; mais, dans l’enivrement de la victoire, sa voix avait été, non pas méconnue, mais étouffée par le tumulte.

Cependant les Français s’arrêtèrent, saisis, malgré eux, d’admiration à la vue de la résignation stoïque de ces braves ennemis, qui dédaignaient de demander grâce et se préparaient à mourir dignement, sans faiblesse comme sans forfanterie.

Toute noble action, tout noble sentiment, trouvent de l’écho dans le cœur des Français, la nation chevaleresque par excellence.

Ils hésitèrent, en se regardant les uns les autres, et relevèrent leurs baïonnettes.

Le comte profita de cette trêve, suprême rayon