Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
L’ÉCLAIREUR.

pondios s’écartèrent avec précaution, et dans l’espace laissé vide apparut la tête anxieuse d’un homme dont les yeux brillants comme ceux d’une bête fauve lançaient dans toutes les directions des regards inquiets. Après quelques secondes d’une immobilité complète, l’homme dont nous parlons quitta le buisson au milieu duquel il était caché et s’élança d’un bond au dehors.

Bien que son teint hâlé eût atteint presque la couleur de la brique, cependant à son costume de chasse et surtout la nuance blonde de ses longs cheveux et à ses traits hardis, francs et accentués, il était facile de reconnaître en cet homme un de ces audacieux coureurs des bois canadiens dont la forte race s’éteint tous les jours et tend à disparaître avant peu.

Il fit quelques pas, le canon de son rifle en avant, le doigt sur la détente, inspectant minutieusement les taillis et les fourrés sans nombre qui l’entouraient ; puis, rassuré probablement par le silence et la solitude qui continuaient à régner aux environs, il s’arrêta, posa à terre la crosse de son rifle, pencha le haut du corps en avant, et imita à s’y méprendre le chant du centzontle, le rossignol américain.

À peine la dernière modulation de ce chant, doux comme un soupir d’amour, vibrait-elle dans l’air, que du même buisson qui déjà avait livré passage au chasseur, s’élança un second personnage.

Celui-ci était un Indien ; il vint se placer auprès du Canadien, et après quelques secondes de silence :

— Eh bien ? lui demanda-t-il en affectant une tranquillité peut-être loin de son cœur.

— Tout est calme, répondit le chasseur, la Cihuatl peut venir.

L’Indien secoua la tête,

— Depuis le lever de la lune, Mahchsi-Karehde est séparé de l’Églantine, il ignore où elle se trouve en ce moment.