À cette double question, nul, si ce n’est ces hommes seuls, n’aurait osé répondre.
Cependant le gué avait été traversé ; devant eux s’étendait une lande stérile et sablonneuse aboutissant à la gorge dont nous avons parlé plus haut.
Dans cette lande, pas un brin d’herbe ne verdissait ; les rayons incandescents du soleil tombaient d’aplomb sur un sable brûlant qui rendait encore, s’il est possible, la chaleur plus lourde et plus étouffante.
Le plus âgé des voyageurs se tourna vers ses compagnons :
— Courage, muchachos ! dit-il d’une voix douce, avec un triste sourire, en désignant à trois milles au loin à peu prés les contre-forts d’une forêt vierge, dont la végétation drue et serrée leur promettait une ombre réparatrice ; courage, bientôt nous nous reposerons.
— Que votre seigneurie ne s’inquiète pas de nous, répondit un des criados ; ce que votre seigneurie supporte sans se plaindre, nous autres pouvons aussi le supporter.
— La chaleur est accablante, ainsi que vous je sens le besoin de quelques heures de repos.
— À la rigueur nous pourrions continuer encore longtemps notre route, reprit celui qui déjà avait parlé, mais nos chevaux ont peine à se traîner ; les pauvres bêtes sont presque fourbues.
— Oui, bêtes et gens il faut nous arrêter. Quelque forte que soit la volonté, il y a des limites devant lesquelles l’organisation humaine doit fléchir ; courage ! dans une heure nous serons arrivés.
— Allez, allez, seigneurie, ne songez pas à nous davantage.
Le premier voyageur ne répondit pas, ils continuèrent silencieusement leur marche.