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L’ÉCLAIREUR.

— Oh ! s’écria-t-il tout à coup, ne vous avais-je pas dit, seigneurie, que c’était Dieu qui vous mettait entre les mains les preuves que vous cherchiez vainement depuis si longtemps ; lisez ! lisez ! et s’il est possible, doutez encore du témoignage de vos yeux et refusez plus longtemps de croire à la perfidie de votre frère et à son odieuse trahison.

Don Mariano s’empara des papiers avec un geste fébrile et les parcourut rapidement des yeux. Après en avoir lu deux ou trois, il s’arrêta, leva les yeux au ciel, et laissa tomber sa tête dans ses mains avec l’expression de la plus grande douleur.

— Oh ! fit-il avec désespoir, mon frère ! mon frère !

— Courage ! lui dit doucement Bermudez.

— J’en aurai ! répondit-il, l’heure de la justice est arrivée.

Un changement étrange s’était subitement opéré en lui. Cet homme si craintif quelques minutes auparavant, dont l’hésitation était extrême, s’était métamorphosé ; il semblait avoir grandi, ses traits avaient pris une rigidité imposante, ses yeux lançaient des éclairs.

— Plus de craintes puériles, dit-il, plus de tergiversations. Il faut agir.

Se tournant alors vers l’Aigle-Volant :

— Cet homme est-il gravement blessé ? lui demanda-t-il.

L’Indien alla examiner avec soin don Stefano.

Pendant tout le temps qu’il fut éloigné, nul ne prononça une parole ; chacun comprenait que don Mariano avait enfin pris une résolution énergique et qu’il l’accomplirait, quelles qu’en dussent être plus tard les conséquences pour lui, sans remords et sans hésitation.

L’Aigle-Volant revint au bout de quelques minutes.

— Eh bien ? lui demanda le gentilhomme.