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L’ÉCLAIREUR.

ou offensé d’autres individus depuis que vous errez dans les Prairies ?

— Moi ?

— Qui donc, si ce n’est vous ? N’avez-vous pas cherché, pas plus tard que cette nuit, à assassiner un homme dans une embuscade que vous lui aviez tendue.

— Oui, mais cet homme est mon ennemi.

— Eh bien ! supposez pour un instant que nous soyons les amis de cet homme.

— Mais cela n’est pas, cela ne peut pas être.

— Pourquoi donc ? qui vous le fait supposer ?

Don Stefano haussa les épaules avec dédain.

— Vous me croyez donc bien simple, dit-il, que vous supposez que je me payerai d’une telle défaite ?

— Ce n’en est pas autant une que vous le croyez.

— Allons donc ! si j’étais tombé entre les mains de cet homme, il m’aurait fait transporter à son camp, afin de se venger de moi devant les bandits qu’il commande et auxquels la vue de mon supplice aurait été sans doute beaucoup trop agréable pour qu’il cherchât à les priver de ce ravissant spectacle.

Le vieux chasseur, dont jusqu’à ce moment la parole avait été ironique et le visage narquois, changea tout à coup de ton et devint aussi sérieux et aussi sévère que précédemment il avait été railleur.

— Écoutez, dit-il, et profitez de ce que vous allez entendre : nous ne sommes pas les dupes de votre feinte faiblesse ; nous savons très-bien que vos forces sont à peu près revenues ; l’avis que je vous donne est franc et a pour but de vous prévenir contre vous-même : vous n’êtes pas notre prisonnier, il est vrai, et pourtant vous n’êtes pas libre.

— Je ne vous comprends pas, interrompit don Stefano,