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L’ÉCLAIREUR.

Tout cela est le comble du ridicule, et si vous n’avez pas de meilleurs raisons à m’opposer, je vous engage à me laisser tranquillement vaquer à mes affaires.

— Nous en avons d’autres, répondit don Miguel d’un ton glacial.

— Je les connais, vive Cristo ! vos raisons ; vous m’accusez, n’est-ce pas, de vous avoir à vous, don Miguel, qui vous nommez aussi don Torribio et que parfois on appelle don José, vous m’accusez, dis-je, de vous avoir fait tomber dans un guet-apens, dont vous ne vous êtes sauvé que par miracle ; mais ceci est une affaire entre vous et moi, dont Dieu seul doit être juge.

— Ne mettez pas le nom de Dieu en avant, il n’a rien à voir dans cette affaire ; je vous ai dit déjà que je n’étais pas votre accusateur, mais votre juge.

— Fort bien ; rendez-moi mon portefeuille et restons-en là, croyez-moi ; car dans tout cela je ne vois pas trop l’avantage qu’il y aura pour vous, à moins que vous ayez résolu de m’assassiner, ce qui serait fort possible, auquel cas à votre aise ; je n’ai pas la prétention de lutter contre les trente ou quarante bandits qui m’entourent. Ainsi tuez-moi, si bon vous semble, mais terminez-en.

Don Estevan prononça ces paroles d’un ton de souverain mépris dont ses juges, en hommes dont le parti est pris d’avance, ne parurent pas s’apercevoir.

— Nous ne vous avons pas volé votre portefeuille, répondit don Miguel, nul de nous ne l’a vu, encore moins ouvert ; nous ne sommes pas des bandits et nous n’avons aucunement l’intention de vous assassiner. Nous sommes convoqués pour vous juger d’après les règles de la loi du Lynch, et nous nous acquittons de ce devoir avec toute l’impartialité dont nous sommes capables.

— Mais alors, puisqu’il en est ainsi, que celui qui m’accuse paraisse, je le confondrai. Pourquoi s’obstine-t-il à