que j’aime mon maître, que pour lui, sans hésiter, je sacrifierais ma vie avec joie. Hélas ! j’étais destiné à lui causer la plus grande douleur qu’il soit possible à un homme de souffrir : contraint de répondre aux questions dont il me pressait, je lui appris la mort de sa femme et celle de sa fille, toutes deux mortes à quelques semaines l’une de l’autre, au couvent des bénédictines. Le coup fut terrible : don Mariano tomba comme foudroyé. Un soir que, selon sa coutume depuis son retour, don Mariano, seul dans sa chambre à coucher, la tête dans ses mains, s’abîmait dans de tristes réflexions en contemplant avec des yeux pleins de larmes le portrait de ces êtres si chers qu’il ne devait jamais revoir, un homme embossé dans un large manteau, le sombrero rabattu sur les yeux, demanda à parler au seigneur de Real del Monte ; sur mes observations que sa seigneurie ne recevait personne, cet homme insista avec une ténacité étrange, disant qu’il avait à remettre à mon maître une lettre dont le contenu était de la plus haute importance ; je ne sais comment cela se fit, mais l’accent de cet homme me parut si sincère que, malgré moi, j’enfreignis les ordres positifs que j’avais reçus et je l’introduisis auprès de don Mariano.
Le gentilhomme releva alors la tête, et, appuyant la main sur le bras de son vieux domestique :
— Maintenant, laissez-moi continuer, Bermudez, dit-il ; du reste, ce que j’ai à ajouter est peu de chose.
Se tournant alors vers les chasseurs toujours impassibles et froids en apparence, il reprit :
— Lorsque cet homme fut devant moi : Seigneurie, me dit-il sans préambule, vous pleurez deux personnes qui vous étaient bien chères et dont le sort vous est inconnu.
— Elles sont mortes, répondis-je.
— Peut-être ! fit-il. Que donneriez-vous à celui qui vous