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L’ÉCLAIREUR.

Don Estevan sourit amèrement à la vue de son portefeuille ; il s’empara du papier et écrivit précipitamment quelques lignes, puis il plia le papier et le rendit au chasseur.

Un changement extraordinaire s’était opéré sur le visage du condamné : ses traits étaient calmes, ses regard doux et suppliants.

— Tenez, dit-il, je compte sur votre parole ; prenez cette lettre, elle est pour mon frère ; je lui recommande mes enfants, c’est à cause d’eux que je vais mourir. Qu’importe ! s’ils sont heureux, j’aurai toujours atteint mon but, c’est tout ce qu’il me faut. Mon frère est bon, il n’abandonnera pas les malheureux orphelins que je lui lègue. Je vous en supplie, remettez-lui ce papier.

— Avant une heure il sera entre ses mains, je vous le jure.

— Merci ; maintenant faites de moi ce que vous voudrez, peu m’importe ; j’ai assuré le sort de mes enfants, c’est tout ce que je voulais.

La fosse était creusée. Deux gambucinos saisirent don Estevan et le descendirent dedans, sans qu’il essayât une résistance inutile : lorsqu’il fut placé debout dans le trou, le sol arriva juste au niveau de ses aisselles, son bras droit fut attaché le long de son corps, le gauche laissé libre, puis on entassa la terre autour de ce vivant, qui déjà n’était plus qu’un cadavre.

Lorsque la fosse fut comblée, un gambucino prit une écharpe et s’approcha du condamné.

— Que prétendez-vous faire ? demanda-t-il avec terreur, bien qu’il devinât l’intention de cet homme.

— Vous bâillonner, répondit brutalement le gambucino.

— Oh ! fit-il.

Il se laissa bâillonner, sans avoir la conscience de ce qu’on lui faisait ; il était brisé.

Bon-Affût plaça alors un pistolet armé sous la main crispée du misérable, et se découvrant :