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L’ÉCLAIREUR.

proche, pas une parole ayant trait au jugement ne sortirent des lèvres de don Mariano ; aucune allusion, même détournée, ne vint faire soupçonner au chasseur que le gentilhomme avait l’intention d’attaquer ce sujet délicat.

Le Canadien respira, seulement à la dérobée pendant les quelques instants qu’ils marchèrent côté à côte pour rentrer au camp ; il examina à plusieurs reprises le visage de don Mariano : le gentilhomme était pâle, triste, mais sa physionomie était calme et ses traits impassibles.

Le chasseur hocha la tête.

— Il roule quelques projets dans sa pensée, murmura-t-il à voix basse.

Dès que l’enceinte du camp fut franchie, que les barricades eurent été refermées sur les gambucinos, don Miguel après avoir placé les sentinelles aux retranchements, se tourna vers Bon-Affût et don Mariano :

— Le soleil se lèvera dans deux heures environ, leur dit-il ; veuillez accepter mon hospitalité et me suivre sous ma tente.

Les deux hommes s’inclinèrent.

Don Miguel fit signe à ses porteurs de poser à terre le brancard sur lequel il était assis ; il se leva, aidé par Bon-Affût, et, appuyé sur le bras du chasseur, il entra dans la tente, suivi par don Mariano.

Le rideau retomba derrière eux.

Les gambucinos, fatigués des courses de la nuit, s’étaient hâtés de desseller leurs chevaux, de leur donner la provende ; puis, après avoir jeté quelques brassées de bois sec dans les feux, afin de raviver la flamme, ils s’étaient enveloppés dans leurs fressadas et leurs zarapés, et s’étaient étendus sur le sol, où ils n’avaient pas tardé à s’endormir. Dix minutes après le retour de la troupe, tous les aventuriers étaient plongés dans le plus profond sommeil ; seuls, trois hommes veillaient encore : ces trois hommes étaient