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L’ÉCLAIREUR.

un coursier digne d’un aussi grand chef, lui dit-elle en l’apercevant.

L’Indien sourit avec orgueil.

— Oui, répondit-il, les sachems seront fiers de lui.

Et avec ce naïf enfantillage qui s’allie si bien à la rudesse primitive de ces hommes de fer, il s’amusa à exécuter pendant quelques instants les passes, les voltes et les courbettes les plus difficiles, heureux de l’admiration effrayée de celle qu’il aimait et qui ne pouvait s’empêcher de trembler en le voyant manœuvrer aussi facilement ce magnifique animal. Le chef mit enfin pied à terre et vint, tout en conservant dans la main la bride du cheval, s’asseoir auprès de la jeune femme.

Ils demeurèrent ainsi assez longtemps côte à côte sans échanger une parole : l’Aigle-Volant paraissait réfléchir profondément. Ses yeux erraient ça et là dans les ténèbres, comme s’il eût voulu pénétrer et distinguer dans l’obscurité quelque objet lointain ; il écoutait avidement les bruits de la solitude, en jouant machinalement avec son couteau à scalper.

— Les voilà ! s’écria-t-il tout à coup en se relevant, comme poussé par un ressort.

L’Églantine le regarda avec étonnement.

— Ma sœur n’entend-elle pas ? lui demanda-t-il.

— Oui, fit-elle après un instant, j’entends un bruit de chevaux dans les halliers.

— Ce sont les visages pâles qui regagnent leur camp.

— Allons-nous donc les suivre ?

— L’Aigle-Volant ne quitte jamais sans raison le sentier tracé par son mocksens ; l’Églanline accompagnera le guerrier.

— Mon père en doute-t-il ?

— Non ; l’Églantine est une digne fille des Comanches ;