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L’ÉCLAIREUR.

Indienne, incapable de jouer ce rôle de mensonges et de fourberies auquel on la condamnait, ne leur avait pas caché que, malgré les paroles mielleuses et les manières insinuantes du Amanani, elles devaient s’attendre à souffrir les plus affreux tourments si elles refusaient de se consacrer au culte du Soleil. La perspective était loin d’être rassurante.

Les jeunes filles savaient les Indiens capables de mettre sans le moindre remords leurs odieuses menaces à exécution ; aussi, tout en se promettant intérieurement de rester inébranlable dans la foi de leurs pères, les pauvres enfants étaient-elles dévorées de mortelles inquiétudes.

Le temps s’écoulait, le grand-prêtre commençait à s’impatienter de la lenteur de la conversion. Le peu d’espoir que les deux jeunes filles avaient conservé de se soustraire au sacrifice que l’on exigeait d’elles les abandonnait peu à peu.

Cette douloureuse situation, qui s’aggravait encore par l’absence de toute nouvelle du dehors, finit par déterminer chez elles une maladie dont les progrès furent si rapides, que le grand-prêtre jugea prudent de suspendre l’exécution de son ardent projet de prosélytisme.

Laissons pour quelques instants les malheureuses prisonnières se féliciter presque de l’altération survenue à leur santé, et qui pour quelque temps au moins les affranchit des odieuses obsessions dont elles sont l’objet, et reprenons le fil des événements qui survinrent aux autres personnages qui figurent dans cette histoire.

Aussitôt que don Estevan s’était vu libre, il avait enfoncé les éperons dans les flancs du cheval de Balle-Franche, et avait commencé à travers la forêt une course furieuse, dont le but évident était de s’éloigner au plus vite de la clairière qui avait failli lui devenir si épouvantablement fatale.

En proie à une terreur folle que chaque minute qui s’é-