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L’ÉCLAIREUR.

posant, ce qui n’était guère probable, que quelqu’un se fût mis à sa poursuite, la rapidité de sa course et les innombrables crochets qu’il avait faits avaient dû complètement dérober ses traces. Il s’avança au petit pas jusqu’à la lisière de la forêt, résolu à s’arrêter une heure ou deux afin de laisser reposer son cheval haletant, et de prendre lui-même un repos indispensable après tant de fatigues et d’angoisses.

Dès qu’il eut atteint les premiers arbres du couvert, il s’arrêta de nouveau, s’assura par un regard circulaire que nul être humain n’apparaissait aux environs, et, rassuré par le calme et le silence qui régnaient autour de lui, il mit pied à terre, dessella son cheval qu’il entrava de façon à ce que, sans s’éloigner, il pût chercher sa nourriture, et, s’étendant sur le sol, il se mit à réfléchir.

Sa position était loin d’être agréable : il se trouvait seul, presque sans armes, dans un pays inconnu, contraint de fuir les hommes de sa couleur, obligé de ne compter que sur lui-même pour faire face à tous les événements qui surviendraient et aux dangers qui l’environnaient de toutes parts.

Certes, un homme plus résolu que ne l’était don Estevan et doué par la nature d’une organisation plus fortement trempée que celle qu’il possédait, se serait, à sa place, trouvé fort empêché et se serait laissé aller, sinon au désespoir, du moins au découragement. Le Mexicain, vaincu par les atroces émotions et les fatigues inouïes qu’il avait endurées pendant la nuit fatale qui venait de s’écouler, tomba malgré lui dans un état de prostration et d’insensibilité tels, que peu à peu les objets extérieurs disparurent pour ainsi dire à ses yeux, et il n’exista plus que par la pensée, ce phare toujours brillant dans le cerveau humain et que Dieu, dans sa bonté infinie, y fait luire dans les plus épaisses ténèbres, afin de rendre à la créature, dans les situations extrêmes, le sentiment de sa force et la volonté de la lutte.