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L’ÉCLAIREUR.

dant cela me semble si extraordinaire, que je vous avoue que je serais charmé d’en avoir le cœur net, ne serait-ce que pour ma satisfaction personnelle et pour prouver aux personnes qui nous écoutent combien nous avons tort, nous autres blancs, de nous imaginer que nous vous sommes si supérieurs en intelligence, lorsque vous nous laissez au contraire si loin derrière vous.

— Hum ! murmura Domingo, ce que vous dites là est un peu fort, vieux chasseur ; il est connu que les Indiens sont des bêtes brutes.

— Ce n’est pas mon avis, observa don Mariano ; bien que je connaisse fort peu les Peaux-Rouges, avec lesquels jusqu’à présent je ne m’étais jamais trouvé en rapport, cependant, depuis mon arrivée dans ces régions, je leur ai vu accomplir des actions si étonnantes que je ne serais nullement surpris que ce chef eût, ainsi qu’il l’assure, pénétré complètement vos projets.

— Je le crois aussi, reprit le chasseur. Du reste, nous allons en juger. Parlez, chef, afin que nous sachions le plus tôt possible à quoi nous en tenir sur cette pénétration dont vous vous flattez.

— L’Aigle-Volant n’est pas une vieille femme bavarde, qui se vante à tort et à raison ; c’est un sachem dont les actions et les paroles sont mûrement pesées ; il n’a pas la prétention d’en savoir plus que ses frères les visages pâles ; seulement l’expérience qu’il a acquise lui tient lieu de sagesse, elle l’aide à expliquer ce qu’il voit et ce qu’il entend.

— C’est bien chef, je sais que vous êtes un guerrier vaillant et renommé : nos oreilles sont ouvertes, nous vous écoutons avec toute l’attention que vous méritez.

— Mon frère le grand chasseur pâle veut entrer dans Quiepaa-Tani, où se sont réfugiées deux jeunes femmes blanches, dont l’une est la fille du chef à la barbe grise ;