Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
362
L’ÉCLAIREUR.

le bruit calme et régulier de la respiration de ses compagnons, il se redressa tout doucement sur son séant. Il hésita encore plusieurs minutes, puis il sortit le sac à tabac de l’endroit où il l’avait caché et l’examina avec l’attention la plus soutenue.

Ce sac n’avait en soi rien qui le distinguât des autres ; seulement une circonstance frappa le chasseur : il était plein à peu près jusqu’à la moitié de tabac ; ce tabac était frais.

Donc il n’y avait pas longtemps que ce sac avait été perdu par don Estevan : quelques heures à peine ; si cela était, comme tout le faisait supposer, don Estevan ne devait pas être éloigné, il devait se trouver à une lieue, deux au plus, du campement des chasseurs.

Ce raisonnement était logique : aussi le gambucino en tira-t-il cette conséquence que l’occasion qu’il attendait depuis si longtemps était enfin arrivée et que, coûte que coûte, il fallait la saisir.

Une fois cette conséquence admise, le reste est facile à comprendre.

Le gambucino se leva, se glissa comme un reptile dans les broussailles et se lança en enfant perdu à la recherche de don Estevan.

Le hasard est le maître du monde, il règle toutes choses à son gré, ses combinaisons parfois sont tellement bizarres qu’il semble prendre un malin plaisir à faire, contre toutes probabilités, réussir les plans les plus odieux ; ce fut ce qui arriva dans cette circonstance.

À peine le gambucino avait-il erré pendant une heure dans la forêt, s’orientant tant bien que mal dans l’obscurité qui l’enveloppait comme d’un linceul, qu’il arriva, au moment où il s’y attendait le moins, en vue d’un feu allumé sur l’extrême lisière du couvert.

Il marcha immédiatement vers la lueur brillante qu’il