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L’ÉCLAIREUR.

connu le son du rifle d’un homme pour lequel je professe la plus chaleureuse amitié, cet homme est en danger en ce moment, il combat contre les Apaches qui l’ont surpris et attaqués pendant son sommeil. Le nombre des coups de feu me fait supposer que mon ami n’a avec lui que deux compagnons ; si nous ne lui venons pas en aide il est perdu, car ses adversaires sont nombreux ; le coup de main que je veux tenter est presque désespéré ; nous avons toutes les chances contre nous ; réfléchissez avant que de répondre : êtes-vous toujours résolu à nous accompagner, Ruperto et moi, en un mot à risquer votre chevelure en notre compagnie ?

— Bah ! fit insoucieusement le bandit, on ne meurt qu’une fois ; peut-être ne retrouverai-je jamais une aussi belle occasion de mourir honnêtement. Disposez de moi, vieux trappeur, je suis à vous corps et âme.

— Bien, je m’attendais à cette réponse. Cependant mon devoir était de vous avertir du danger qui vous menaçait ; maintenant, ne parlons pas davantage et agissons, car le temps presse et chaque minute que nous perdons est un siècle pour celui que nous voulons sauver. Marchez dans mes moksens, ayez l’œil et l’oreille au guet, surtout soyez prudents et ne faites rien sans mon ordre ; partons !

Après avoir visité avec soin l’amorce de son rifle, précaution imitée par ses deux compagnons, Balle-Franche s’orienta pendant quelques secondes ; puis, avec cet instinct des chasseurs qui chez eux est presque une seconde vue, il s’avança d’un pas rapide, bien que silencieux, dans la direction du combat, en invitant d’un geste les deux hommes à le suivre.

Il est impossible de se faire une idée, même lointaine, de ce qu’est une marche de nuit dans la Prairie, à pied, au milieu des broussailles, des arbres enchevêtrés les uns dans les autres, des lianes qui s’enroulent de tous les côtés,