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L’ÉCLAIREUR.

Depuis longues années déjà, les deux chasseurs canadiens étaient intimement liés ; maintes fois ils avaient frappé ou entrepris de compagnie quelques-unes de ces audacieuses expéditions que les coureurs des bois accomplissent souvent contre les Indiens ; ces deux hommes n’avaient pas de secrets l’un pour l’autre ; tout était commun entre eux, les haines et les amitiés.

Balle-Franche était parfaitement au courant des faits auxquels le Loup-Rouge faisait allusion, et si certaines raisons que nous connaîtrons plus tard ne l’en avaient empêché, il aurait probablement aidé son ami à enlever l’Églantine au chef apache. Cependant un point restait toujours obscur dans son esprit : c’était la présence de Bon-Affût au milieu des Indiens, cette rixe dont il avait entendu les cris et ces coups de feu et qui semblait se terminer par une conversation amicale.

Par quel concours étrange de circonstances, Bon-Affût, l’homme le plus au fait des ruses indiennes, dont la réputation en fait d’adresse et de courage était universelle parmi les chasseurs et les trappeurs des prairies de l’Ouest, se trouvait-il ainsi dans une position équivoque, au milieu de trente ou quarante Apaches, les Indiens les plus fourbes, les plus traîtres et les plus féroces de tous ceux qui sillonnent le désert dans tous les sens ; voilà ce que le digne chasseur ne pouvait s’expliquer et ce qui le rendait tout songeur. Au risque de ce qui pourrait arriver, il résolut de révéler sa présence à son ami, au moyen d’un signal convenu entre eux de longue date, afin de l’avertir qu’en cas de besoin un ami veillait sur lui. C’était alors qu’il avait fait entendre ce sifflement au bruit duquel nous avons vu tressaillir le chasseur. Mais ce signal eut un second résultat, auquel Balle-Franche était loin de s’attendre ; les branches de l’arbre au tronc duquel s’appuyait le Canadien s’écartèrent doucement, et un homme se suspendant par